Nocturne

Publié le par hypos

Bip bip,
Bip bip.

1h40. Sommeil profond et je souffle en pensant que c'est encore une fois le père des filles qui m'envoie un message en pleine nuit.

Encore presque endormie, je lis.
C'est le grand.
Ça me réveille comme une douche froide.

" Je repense à ma chambre qui n'est plus ma chambre.
J'ai vraiment beaucoup de peine... Je suis ... déconcerté. J'arrive pas à dormir parce que ...  je ne comprends pas comment tu as pu faire ça. Donner ma chambre à ma soeur.... Et maintenant, je ne pourrai plus revenir à la maison".


Il est venu nous voir hier. Je ne l'attendais pas et c'était le grand souk des travaux. Quand il est arrivé, Yanis sautait partout, ravi de revoir son grand frère. Les filles se sont faites discrètes, à moitié ravies du retour de  l'enfant prodigue. Je lui ai tout de suite raconté mes travaux, la cuisine, la salle de bain, le couloir. Mais lui, il est allé directement vers sa chambre.

Qui donc, n'est plus sa chambre.

Il a ouvert la porte, a parcouru du regard toute la pièce, sans un mot. Il est de devenu tout pâle. Pâle comme un linge. Et sa machoire s'est crispée. J'ai ressenti une chape de silence et de froid tandis que pourtant la maison bruissait et que le soleil chauffait fort.

Ça n'a duré qu'un instant. Ça m'a brisé le coeur. Je savais que ça brisait le sien aussi.

- "Comment tu as  pu faire ça ? " m'a-t-il demandé.
- "Mon Chéri, je ne pouvais PAS faire autrement, je n'ai PAS le choix" ai-je répondu.

- "Je ne veux pas que tu sois triste" ai-je rajouté bêtement. Il m'a rétorqué avec hargne qu'il n'avait pas de peine.

Et puis Yanis est arrivé, a proposé de manger une glace, de nous servir un jus de pomme. Et nous nous sommes assis et nous avons parlé de son travail, de ses projets, de son amie. Et tout à coup, je respirais mieux et tout semblait reprendre sa place.

Semblait seulement.

J'ai cru qu'il allait rester pour dormir. "Où ?" a-t-il prononcé entre haut et bas.
Il s'est levé, a repris son sac dans lequel certainement il avait glissé un rasoir et une chemise, pensant qu'il trouverait la maison comme au mois de mars. Il m'a dit qu'il avait prévu de passer la soirée chez un ami. J'ai appris cette nuit que ce n'était pas vrai.


- "Mon Chéri, sais-tu le mal de chien que j'ai eu à déménager ta chambre ?" Lui ai-je dit dans la nuit. "Comme je comprends ta peine et comme je ne peux pas obliger les filles à s'entasser à deux dans une chambre alors que la tienne est vide depuis si longtemps".

- "Et moi, je me sens perdu Maman, je ne sais plus où aller si avec ma copine, ça ne marche pas".
Et toujours, ses "Pourquoi ?, pourquoi ?"

- 'Mais mon coeur, sais tu que nous les mères passons notre temps à expulser nos enfants quand nous voudrions toujours les garder contre nous ?".  Des sanglots m'étouffent de toutes ces fois où j'aurais tant aimé ne pas m'en séparer.

J'avais tellement mal mon fils, que j'ai songé prendre des photos pour conserver toujours le souvenir de ce que je n'ai pas su regarder assez. Mais à quoi bon  ? Les photos ne ramènent pas le temps.

- "Tu aurais du me le dire avant Maman"
- "Ah mon Bichon !  Si je savais dire ces choses-là, je ne serais pas seule"

Mais j'ai enfin su trouver les mots et les larmes venaient avec le chagrin enfoui. Il a trouvé aussi les siens dans cette conversation nocturne entrecoupée d'arrêts brutaux quand je raccrochais pour reprendre mon souffle.

- "Mon fils, toute la maison est en chantier, chaque pièce est recomposée,  tes posters, tes vêtements, tes souvenirs sont éparpillés partout, je t'aime mon Chéri, on va te refaire un nid pour que tu puisses rentrer si tu le veux un jour. "

- "Je t'aime Maman, je passerai le week-end prochain pour t'aider."



Je vous aime à en hurler mes gosses.




Image Paul Bradley

Publié dans L'état de mère

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S
Ben, c'est vraiment ce que je pense.<br /> mais le reste et un peu long à expliquer
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X
Bonjour ,<br /> nous passons notre vie à regretter nos chambres ! Au fait ,même à mon âge , putain, je viens d'avoir 52 balais , j'ai toujours ma chambre chez ma mère !et en plus c'est vrai !
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H
<br /> @Xavaix<br /> J'ai fait comme toi. Chez ma mère. Quand elle a refait "ma" chambre, j'ai fait la tête. J'avais presque quarante ans :-)<br /> <br /> <br />
S
Si Hypos pouvait s'aimer
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H
<br /> @Spaulding<br /> Il est bizarre ton commentaire.<br /> <br /> <br />